Contrairement aux pyramides d’Egypte qui sont essentiellement des tombeaux, les pyramides méso-américaines sont des autels. Il faut les comprendre comme un instrument de pouvoir, une forteresse interdite au peuple et qui lui affirme la supériorité de la caste dirigeante. Le peuple reste à la base de la pyramide et ne sait ce qui s’y passe que par les cris qu’il entend, les cadavres qui en tombent et les représentations des terrifiantes rencontres entre les prêtres et les dieux qui ont lieu au sommet.

De nos jours, on grimpe en haut des pyramides par l’escalier et c’est dur. Les marches sont beaucoup trop hautes alors que nous sommes pourtant, évolution aidant, plus grands que les indiens anciens. A l’époque précolombienne il était impossible à un indien du peuple d’y grimper. Seule la caste dirigeante y avait accès et les études anthropologiques qui ont été faites révèlent que la différence entre les dirigeants et leurs sujets était d’abord leur taille. Seuls les nobles pouvaient, physiquement, monter les marches mais là n'était pas l'essentiel car le rôle de l’escalier n’était pas de permettre qu’on y monte mais d'y faire dévaler les cadavres jetés du haut de la pyramide lors des sacrifices. Quand on sait que la Grande Pyramide de Tenochtitlán a reçu 20000 immolations pour son inauguration on comprend qu’un escalier bien conçu était une chose primordiale.


El Espero humeante del Cielo
(Le miroir du Ciel Fumant de Tonima)
Les prêtres vivent ici, au-dessus du peuple, en contact avec les dieux.

La Pirámide del Adivino
(la Pyramide du Devin,à Uxmal)
Les sacrifices ont lieu en haut de l’édifice, invisibles du peuple.

El Castillo (Chichen Itza)
Le peuple, à la base de la pyramide, voit tomber les têtes et les corps décapités lancés du haut des escaliers.

La pyramide était toujours la pièce maîtresse d’un centre cérémonial. Elle servait de support à un temple où le peuple venait admirer la force des prêtres qui, par leurs immolations, assuraient l’équilibre cosmique et les protégeaient des fléaux extérieurs à la cité. Les victimes des sacrifices étaient toujours capturés dans les cités voisines et leur nombre rassurait les gens du peuple sur le fait qu’ils ne risquaient pas d’être eux-mêmes raflés et sacrifiés dans une cité rivale.


Une clôture entoure la pyramide
Les têtes tombées du sommet y sont fichées sur les pieux. A Chichen Itza, cette clôture était triple.

L’entrée du domaine des dieux
A Ek’Balam les prêtres et les nobles entrent dans la gueule du Jaguar Sacré pour atteindre le sommet du temple.

El muro de las Calaveras
Il décrit ce qui se passe en haut de la pyramide. Les dieux dévorent les cœurs arrachés aux victimes par les prêtres.

La forme des pyramides varie considérablement selon les sites et il est difficile d’établir un lien indiscutable entre une civilisation et une forme particulière de pyramide. La Pyramide du Devin d’Uxmal ne ressemble en rien au Castillo de Chichen Itza qui est lui-même différent de la Pyramide de Tikal ou de la Pyramide des Inscriptions de Palenque qui, elle, comporte une chambre funéraire. Toutes les quatre sont pourtant des pyramides maya de la même époque.
Il faut savoir aussi que les pyramides que nous voyons maintenant ont perdu leur aspect d’origine. A Teotihuacan, par exemple, la surface de la Pyramide du Soleil est hérissée de pierres pointues. Elles servaient à maintenir un enduit de stuc qui donnait à la pyramide un aspect lisse, rouge, brillant. D’une façon générale les pyramides étaient peintes de couleurs vives. A Tonina, une surprenante maquette montre les pyramides de la ville peintes en rouge, bleu et jaune. Le sommet de la pyramide devait être perçu par le peuple comme la «Porte du Ciel». Seuls les sacrifiés et les prêtres y accèdent. A Tonina ceci se faisait par un labyrinthe interne, le «Palais de l’Inframonde», espace obscur de chambres et de quartiers s’étageant sur 7 niveaux.
Certaines pyramides avaient des caractéristiques acoustiques étonnantes. C’est particulièrement vrai à Uxmal où les sons sont renvoyés et déformés. Les prêtres portaient sur leur poitrine des amplificateurs de résonance en céramique destinés à rendre leur voix encore plus terrifiante. Ces objets sont maintenant exposés au Musée National d’Anthropologie de Mexico mais il a fallu un certain temps pour en comprendre la nature.